A la fin des années 1990, son amour de la musique underground pousse Francis Meunier à se rendre à San Francisco pour rencontrer les musiciens dont il est fan.
Il se rendra chez les mystérieux Residents, en espérant les voir démasqués sans savoir s’il en aura réellement croisé un, il visitera les sérieux MX 80 Sounds et surtout les cool Flipper, malheureusement en deuil de leur bassiste à cette époque.
Pour sa première fois aux States, il voulait couvrir ce micro événement par un reportage photographique. Mais une fois les gars de Flipper – surtout un de leurs amis journaliste au SF Chronicle – rencontrés, ce fut fêtes sur fêtes qui s’enchaînèrent ; bringues plus arrosées les unes que les autres ou la weed faisait bon ménage avec les psychotropes.
Autant dire que le temps impartis aux prises de vue se réduisit drastiquement et se limita aux moments de transition d’une soirée à une autre, ou aux rares retour à l’hôtel pour se changer.
Francis Meunier n’a qu’un souvenir très vague de son passage d’une dizaine de jours à San Francisco. Lorsqu’il développa ses clichés quelque temps après son retour à Paris il parla de souvenirs flous.
Des années plus tard lors d’une sélection en vue d’une exposition, il fut frappé par l’atmosphère nébuleuse de ses images, prises apparemment à l’aube ou au crépuscule, et pensa qu’il avait réalisé à l’époque – sans s’en apercevoir et grâce à son état d’ébriété quasi continuel – ce qu’on pourrait appeler un flou artistique. Bien qu’on puisse douter que cette appellation s’appliquât à cette série de photos, Francis Meunier tria les prises de vue qu’il jugea digne de présentation.
En effet, les connaissances acquises sur le flou photographique depuis son voyage à SF lui faisaient voir ses images différemment. Le flou volontaire (de mouvement, de mise au point, d’exposition) fut un temps assez répandu dans la scène photographique contemporaine. Francis Meunier apprécie les rayographs de Man Ray, les Nuits américaines de Paul Graham ou encore les flous pluvieux de Gwenaël Bollinger.
Même involontaire, non maîtrisé, le flou de ses vues de San Francisco apporte une ambiance quasi mélancolique à une ville qu’il n’a absolument pas vécu comme telle. Il est incapable du moindre souvenir les concernant à part le fait qu’elles documentent un endroit donné à un moment donné (San Francisco à la fin des années 1990).